« Fous moi la paix. Tu m'as menti, toutes ces années ! J'en peux plus, tu comprends ? J'me tire. » Sa voix semblait raisonner dans la pièce quasiment vide, en dehors de ses parents. La froideur que dégageaient les lieux semblait s'accentuer à ce moment là, comme pour l'inciter à partir plus rapidement encore. Il monta les escaliers quatre à quatre, sans se soucier des pleurs de sa mère et claqua la porte de sa chambre derrière lui, s'appuyant contre celle-ci. Adriel ferma les yeux. Il n'arrivait pas à y croire. Sa mère venait de confirmer ce que Graham lui avait dit. Il était le fruit d'une aventure extra-conjugale. Des larmes de rage coulaient le long de ses joues. Le jeune homme avait envie de tout casser, de passer sa rage sur quelque chose, sur quelqu'un. Sur lui. Sur cet homme qu'il avait tant essayé d'impressionner depuis tout petit. Sur cet homme qui s'était toujours montré d'une indifférence extrême envers lui, si bien qu'enfant, il pensait même qu'il le haïssait. Ce ne serait même pas étonnant. Il n'avait jamais voulu de lui et s'était amusé à le lui faire ressentir quand tout ce qu'il demandait était un peu d'attention, un peu d'amour paternel. Mais c'était trop demandé au grand Graham Sterling. Adriel était persuadé qu'au fond, ça l'arrangeait bien qu'il ne soit pas réellement son fils. Il devait jubiler de le voir enfin partir, après tout c'était ce qu'il avait toujours désiré. De rage, il donna plusieurs coups dans sa garde-robe qui s'ébranla sous ce déferlement de violence. Il finit par se calmer légèrement, pour de nouveau s'emporter mais d'une toute autre façon cette fois ; il saisit la valise se trouvant sur son lit pour la claquer sur son lit. Il prit une poignée de vêtements pour les jeter dans la valise et y ajouta quelques affaires en tout genre. Finalement, alors qu'il ouvrait le tiroir de sa table de chevet, il tomba sur une photo de lui et d'Allison. Allison. Dans son énervement, il n'avait pas pensé à elle. Elle qu'il avait tant haït au début, à cause de toutes ces attentions paternelles qu'elle recevait sans cesse. Graham était fière d'elle, elle était celle qu'il préférait et qu'il présentait fièrement lors des repas mondains auxquels il n'hésitait pas à les traîner. Il ne cessait de faire son éloge auprès de ses collègues, de ses amis. Et pourtant, malgré cela, elle était désormais la personne qui lui était la plus chère. Ils s'étaient tous les deux rapprochés dans cette lutte contre leur père, Allison tenant à se défaire de cette influence que tentait d'avoir Graham sur elle. Autant dire qu'Adriel avait été fière de voir qu'elle ne se laissait pas avoir et qu'elle ne suivait pas ses traces sans protester. Elle était devenue sa plus grand fierté mais ce n'était pas suffisant pour le faire rester. Le jeune homme ne parvenait plus à supporter cette vie et il devait vite partir si il ne voulait pas devenir complètement dingue. Il déglutit, déposant la photo dans le sac comme si elle était son plus cher trésor. Enfin, quand sa valise fut pleine, il descendit les escaliers aussi rapidement qu'il les avait monté. Le brun jeta un dernier coup d’œil au salon alors que sa mère levait les yeux vers lui et se leva pour aller vers lui alors que Graham la maintint par le poignet, un demi-sourire aux lèvres. Adriel franchit alors les portes de cette maison, sans même se retourner. Une autre vie l'attendait désormais.

« T'es sûr de vouloir retourner là-bas ? Ça ne sera pas facile. » Il savait que cela ne serait pas facile. Mais ça n'était rien à côté de ce qu'il avait vécu jusqu'à présent. Il avait traversé de nombreuses épreuves et ça avait contribué à le rendre plus fort. Adriel tira sur la manche de son pull, vieille habitude de drogué qui tente de cacher les traces de son addiction. Il se demandait encore comment il avait pu tomber aussi bas. Et la réponse était évidente ; c'était à cause de Graham. Tout était de sa faute. C'était à cause de lui – et en partie du mensonge de sa mère – qu'il avait quitté le domicile familiale. A l'époque, il avait un avenir. Il faisait des études de finance et il pouvait compter sur la présence de sa sœur à ses côtés. En partant, il n'avait plus rien. Il laissait tomber ses études et sa sœur, ses amis ainsi que le toit sous lequel il vivait. Ses maigres économies lui avait permis de vivre deux semaines dans un motel misérable à Chicago. Il ne savait même pas pourquoi il avait choisi cette ville. Sans doute parce qu'il n'avait pas eu la force d'aller plus loin. Adriel s'était donc rapidement retrouvé sans argent et avait même parfois du vivre dans la rue. Il se mettait à faire des boulots minables et il n'avait pas fallu longtemps avant qu'il ne tombe dans le piège de la drogue. Un véritable paradis artificiel, qui lui permettait de s'évader et de tout oublier. Autant dire qu'il avait sauté sur l'occasion. L'héroïne avait été son poison. Il se rappelait encore des soirées passées sur le sol de n'importe quel squat, une seringue dans le bras, planant. Il se rappelait aussi du manque d'argent pour la drogue – car tout le reste était devenu secondaire, que ce soit la nourriture ou le logement -, des choses qu'il avait du faire pour s'en procurer. Par moment, il s'agissait seulement de faire des « courses » pour le compte de criminels contre un peu d'argent. Deux ou trois fois, quand le manque se faisait trop sentir, le jeune homme avait été jusqu'à vendre son corps à de pseudo hétérosexuels incapable d'assumer leur attirance pour les hommes et qui se défoulaient sur lui. Mais ça, ça avait été jusqu'à ce qu'il tombe sur Andrew. Ou plutôt qu'Andrew tombe sur lui. L'homme ne savait toujours pas pourquoi il l'avait aidé. Il lui avait souvent dit que c'était parce qu'il lui faisait penser à lui-même. Quoi qu'il en soit, il l'avait aidé à se sevrer – ce qui n'avait pas été facile du tout -, à se reprendre en main. Adriel était parvenu à devenir quelqu'un petit-à-petit. C'est aussi Andrew qui devint son mentor. Il lui apprit tout ce qu'il savait et si aujourd'hui il est aussi doué dans son métier, c'est grâce à lui. Au début, tuer avait été difficile. Il n'était pas un assassin, comme il le répétait si bien. Puis, peu à peu, il s'était rendu compte que la plupart du temps, les personnes tuées n'était pas forcément très fréquentables. Et après quelques temps, l'identité de la victime ne lui importait plus. Il se contentait de faire son travail, tel un automate, avant de retourner chez lui pour poursuivre sa vie comme si rien n'était arrivé et qu'il exécutait un métier normal. Il n'était plus ce jeune homme fragile qui avait quitté Minneapolis 6 ans plus tôt. Il était plus fort, plus sûr de lui et désormais, il ne voulait que deux choses ; retrouver Allison et pourrir la vie de Graham. Finalement, le brun releva la tête vers son ami. « Je sais. Mais je suis prêt. » Il était prêt à retrouver sa ville natale. Sans doute Allison lui en voudrait-elle, ce qu'il comprendrait. Andrew soupira. « Très bien. Si ça tourne mal là bas, tu sais où me trouver. » Un hochement de tête, une poignée de main et c'était tout, Adriel tournait les talons pour quitter l'appartement de son mentor. Il s'installa dans sa voiture où se trouvait déjà toutes ses affaires, démarra avant de partir en trombes, plus déterminé que jamais à revenir.